C’est une véritable révolution technologique provenant des bactéries et qui rend possible, comme jamais auparavant, la manipulation génétique et tous les questionnements éthiques qui en découlent.
Ce sont les travaux d’Atsuo Nakata, chercheur à l’université d’Osaka au Japon, qui ont posé, en 1987, les premiers éléments fondateurs du CRISPR avec notamment la découverte de séquences répétées dans le génome de la bactérie Escherichia Coli. Cependant il faut attendre 2007 pour que CRISPR refasse parler de lui, en effet, une équipe de chercheurs travaillant pour une entreprise laitière danoise (DANISCO), en collaboration avec l’Université de Laval), réalisent que certaines des bactéries utilisées pour la production de yogourt sont protégées contre les bactériophages, un type de virus particulier qui s’attaque aux bactéries. Ces scientifiques remarquent que ce sont les séquences CRIPSR qui confèrent cette protection. C’est en 2012, après avoir compris comment les CRISPR s’associent à une enzyme découpeuse d’ADN – Cas9 – pour neutraliser un virus, Emmanuelle Charpentier (université d’Umeå, Suède) et Jennifer Doudna (université de Berkeley) démontrent qu’il est possible d’utiliser ce binôme pour supprimer n’importe quelle séquence d’acides nucléiques dans n’importe quelle cellule.
Au fait, CRISPR = Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats , ou courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées, c’est certain tout un programme !!!
Pour expliquer simplement le principe de fonctionnement de CRISPR, il faut savoir que ce dernier repose sur un mécanisme de défense développer par les bactéries en phase d’infection par le biais d’un virus spécifique, un bactériophage. Au sortir de cette infection les bactéries conservent en elles une partie codante de ce virus et ce fragment ainsi constitué va venir s’insérer dans une région spécifique dénommée CRISPR. Si la bactérie se retrouve de nouveau confronté au même bactériophage, un ARN spécifique à l’ADN du virus incriminé sera synthétisé et rendra possible la reconnaissance du virus par la bactérie. Se liant avec une enzyme dénommée Cas9, l’ensemble se fixant sur l’ADN injecté par le bactériophage et provoquant une coupure au sein de ce dernier et le rendant inopérant. L’infection s’en trouve stoppée étant donné que la machinerie ribosomique de la bactérie ne pourra être utilisée pour dupliquer le virus.
L’évolution qui s’en suivit fut de détourner le système CRISPR pour qu’il s’attaque non plus spécifiquement à l’ADN d’un virus mais à celui d’une cellule hôte permettant ainsi de modifier son génome. La difficulté résidant dans la création de sondes d’ARN artificielles qui reconnaissent le gène recherché et de l’introduire dans la cellule cible via l’enzyme CAS9.
Les possibilités offertes par le CRISPR sont nombreuses et ouvrent de nouvelles voies de recherche dans la thérapie génique concernant la prise en charge notamment des cancers du poumon , du diabète insulino-dépendant, de certaines anémies et de la plupart des maladies dégénératives. Effectivement la thérapie basée sur CRISPR pourra potentiellement permettre de réparer directement les gènes défectueux et d’éliminer le risque accru de cancer et de prédisposition héréditaire.
Les perspectives semblent prometteuses mais comme toute avancée scientifique touchant directement au génome humain l’aspect éthique et déontologique prend toute son importance. De plus la portée des modifications possibles du génome vont au-delà des connaissances actuelles sur les mécanismes d’expression des gènes, la cellule constituant un milieu complexe avec un état d’équilibre ou les gènes sont des éléments en constante interaction.
NDLR [03/2018] : Un article du monde.fr nous annonce la sortie d’un livre co-écrit par Jennifer Doudna et qui s’intitule « A crack in creation », en espérant très prochainement une traduction en français…