Dans l’une des scènes du film Ex-Machina de Alex Garland avec entre autre Alicia Vikander, Oscar Isaac et Domhnall Gleeson nous avons un face à face entre Nathan et Caleb concernant un tableau de Jackson Pollock et la manière dont il l’a créée. Pour Nathan, le peintre faisait le vide dans sa tête et laissait aller sa main là ou elle voulait. Ni volonté, ni hasard, quelque part entre les deux, entre d’autres termes, l’art automatique. Mais en imaginant le défi autrement, au lieu de peindre sans réfléchir et qu’il devait savoir ce qu’il devait peindre, il ne l’aurait jamais fait ainsi. Le défi dans l’intelligence artificielle est d’agir sans automatisme, la créativité en est une facette intéressante.
Ce film interroge, mais est-ce bien de la science-fiction ? Personnellement en matière de robotique et de bio-ingénierie nous n’en sommes pas à ce degré de complexité concernant l’apparence physique (avec des SFX très très bien réalisés soit dit en passant dans ce film) des entités présentées mais pour ce qui est de l’intelligence artificielle nous en sommes à un stade bien avancé.
Alors que dire sur l’IA ?
Depuis quelques temps, cet acronyme s’affiche partout, prenant une nouvelle dimension, tous les médias s’en font écho et plusieurs éminences grises se font entendre pour tirer la sonnette d’alarme. Pour certains, comme Elon Musk, que je classerai comme pompiers-pyromanes, car ils font partie de ses membres influents dans les nouvelles technologies qui utilisent l’IA pour asseoir un peu plus leur empire, l’IA serait donc une menace sérieuse pour l’humanité. Leurs discours apparaît un peu ambivalent.
Les prémices de l’IA remontent aux années 1950 avec des noms comme Alan Turing, John McCarthy et plus particulièrement Marvin Lee Minsky qui ont posé les bases de la logique symbolique. Un horizon scientifique émergeait avec tous les aspects de l’apprentissage mais sans la finalité de créer un double de l’être humain. On parle dès lors de machines téléologiques, c’est à dire d’entités asservies à la réalisation d’une seule et unique tâche. Dans les années 80 sont mis au point les algorithmes encore utilisés de nos jours, certes ces derniers ont subi des améliorations pour arriver notamment aux algorithmes de Deep Learning, mais les principes restent identiques.
Ce qui a changé de nos jours c’est la formidable puissance de calcul qui est désormais disponible pour les chercheurs avec, dans un avenir proche, un bon en avant avec les ordinateurs à ADN, le traitement des données massives de plus en plus abouti, des capacités de stockage en constante augmentation pour des coûts de plus en plus bas. Les investissements dans les startups (devrai-je dire plutôt les entreprises des nouvelles technologies, faudrait quand même faire attention au maintien de la langue française) ne cessent de croître pour dépasser allègrement plusieurs milliards de dollars. C’est un marché en plein essor et il serait dommage pour la recherche et les entreprises françaises de passer à côté de formidables opportunités. C’est pour cela que des portails comme FRANCE IA ou FRANCEISAI ont vu le jour, étant donné les enjeux économiques et éthiques considérables qui sont en jeux le gouvernement français se doit de se positionner et faire entendre sa voix tout en valorisant un savoir-faire reconnu. Il ne faudrait pas louper le train qui est en marche.
Il faut bien réaliser que l’avènement de l’Intelligence Artificielle va complètement et profondément changer le paysage économique mondial. Mais pas uniquement. Tous les domaines de la société seront impactés, la santé et la médecine (avec par exemple l’IA de chez IBM appelée WATSON qui a déjà donner des résultats prometteurs en des temps très courts, facilitant le diagnostic des cancers et la synthèse de protéines qui s’avèrent plus efficaces dans la lutte contre ces derniers), les transports avec entre autre les Google Car dont l’IA se développe à vitesse exponentielle rendant encore plus crédible la voiture autonome, les marchés boursiers qui font désormais appellent à des IA, les cabinets d’avocats, la gestion des datacenters, les prévisions météorologiques, les télécommunications, les assistants personnels ou BOTS, les Data Analytics qui sont des corrélations statistiques qui extraient de l’information pertinente. On parle ici d’une multitude d’intelligences artificielles, chacune spécialisée dans un domaine bien particulier. Ce que nous réserve le futur proche, c’est l’agrégation de toutes ces IA en une seule, avec toutes les appréhensions légitimes et questionnements qui en découlent.
Comment l’IA acquiert-elle ses capacités ? ce sont les neurosciences qui ont permis de dégager des schémas, des mécanismes d’apprentissage. Encore une fois, le but de l’intelligence artificielle n’est pas de reproduire fidèlement et intégralement le fonctionnement intrinsèque du cerveau, ce dernier est trop complexe. En observant les êtres humains de la naissance à l’âge adulte et en s’appuyant sur l’imagerie médicale on s’est aperçu que le cerveau cherchait en permanence à établir des corrélations, des liens avec son environnement afin de créer sa propre représentation de ce dernier en se dirigeant toujours vers ce qui lui est le plus utile et le plus reproductible. Le cerveau fait preuve de capacités d’exploration très développées et se trouve capable non seulement de poser des hypothèses sur son environnement en temps réel mais également de tester la valeur de ses hypothèses en fonction de ses objectifs et si cela à un réel intérêt pour lui il l’intègre dans sa représentation du monde.
Ensuite le cerveau identifie des éléments très simples dans son environnement, ces derniers vont être grouper en des concepts plus globaux qui à leur tour seront intégrés dans des concepts de degré supérieurs et ainsi de suite, comme des poupées gigognes. L’imitation de ce qui se passe devant soi est un outil beaucoup utilisé par le cerveau. L’utilisation de la répétition et de l’entrainement s’avère essentiel pour l’apprentissage. Cela sert à utiliser et renforcer ce qui sert le plus. le but est donc de s’inspirer de ces mécanismes d’apprentissage pour créer de l’Intelligence Artificielle.
Puissance de calcul + algorithmes élaborés de Deep Learning + schémas d’apprentissages + base de données disponibles = accroissement exponentielle de l’IA
Désormais les IA les plus sophistiquées maîtrisent le langage et le langage parlé. Elle sont en mesure de contextualiser les écrits, de comprendre le sens des mots, leur étymologie, le ton, la teneur émotionnelle. Des IA sont désormais capable d’écrire des scénarios de film avec tous les degrés de lecture, les schémas narratifs que cela implique. Les IA peuvent désormais peindre et créer de la musique. C’est un changement profond de paradigme qui s’opère en ce moment même.
On peut légitimement se demander si l’humanité est prête à accueillir l’IA. Le problème principal est que désormais il est souvent impossible à l’esprit humain de comprendre le raisonnement de l’IA qui l’a amené à effectuer tel ou tel choix mais qui s’avère correct dans la majorité des cas. L’IA est en passe de surpasser l’intelligence humaine, la théorie de la singularité prend forme. Il est fondamental d’encadrer les responsabilités des actions de ces intelligences artificielles et de se pencher sur leur légitimité. L’IA est un formidable outil qui peut grandement améliorer l’existence humaine mais voilà le problème: on est incapable de savoir quelle décision va être prise par une IA auto-apprenante face à un choix. Devons-nous nous inspirer des lois (aussi incomplètes et contournables soient-elles) de la robotique de Isaac Asimov mais appliqué aux IA ? à savoir :
un robotune IA ne peut porter atteinte à un être humain, ni, en restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger;un robotune IA doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi;un robotune IA doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi.
Autre problème, l’universalité et l’équité de l’accès à ces IA : à eux seuls, les Etats-Unis et la Chine concentrent la quasi-totalité des entreprises leader dans ce secteur, des projets d’IA Open Source existent mais est-ce suffisant ?
Le changement c’est maintenant. Ce ne sont pas nos politiciens qui ont lancé ce mouvement mais bel et bien les Intelligences Artificielles, à nous et nos politiciens de les utiliser à bon escient et équitablement. IMPOSSIBLE ?